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JOY DIVISION, PAROLES DE FANS

Participation à l'écriture du livre Joy Division, paroles de fans de Pedro Peñas y Robles, paru aux Editions Camion Blanc en mars 2018, des pages 277 à 286, dans lequel sont présentées des photographies de mon violon Transmission, accompagnées d'un texte écrit par mes soins, dans lequel j'explique l'influence particulière que revêt dans ma vie personnelle et professionnelle la musique du groupe post-punk Joy Division, et particulièrement l'album Unknown Pleasures, sorti le 15 juin 1979 chez Factory Records.

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"J'ai découvert Joy Division  vers quatorze ans, donc en 1988. Je ne sais plus comment  je suis tombée sur le titre "She's Lost Control". Il me semble que c'était une compilation mais j'ai un trou de mémoire... La ligne de basse omniprésente, et apportant une sorte de transe, très dansante, avec un côté sombre. Et la voix grave de Ian Curtis. J'aime ce mélange de côté sombre, mélancolique, aussi bien dans les textes que dans la voix de Ian Curtis, et dans la mausique. Un tempo rock, mais une ambiance plutôt « dark ». Romantique aussi. Voir de vieilles vidéos live de Joy Division, c'est là que la puissance de leur musique prend toute sa dimension. Et Ian Curtis, sur scène, est habité. Possédé.

 

Cette volonté que l'on voit dans le regard de Ian Curtis lorsqu'il est Joy Division, est tout simplement magique, hypnotique et bouleversante. Cette volonté est mon moteur dans ma vie, pour les bons, et les moments plus difficiles. Les moments de remise en question. Les moments de rupture amoureuse. Ce qui me rend sensible aux textes et à la musique de Joy Division, je dirais l'Amour ! Des êtres que j'aime, et que j'ai aimés, et l'Amour de l'Art et de la Musique.

« Shadowplay » par son texte, et cette phrase « To the center of the city where all roads meet, waiting for you. To the center of the city in the night, wiating for you... ». Il est question d'attendre. Une personne. De la chercher. Sans doute une personne aimée. Le texte me parle car en ce moment même j'attends toujours cette personne avec qui j'ai vécu une histoire extraordinaire il y a un peu plus d'un an maintenant. « In the night » : l'ambiance est nocturne. Peut-être, de nuit, on ârt à la recherche de l'être aimé. Peut-être une errance nocturne. Y a-t-il un espoir que cette personne revienne, afin de vivre ou revivre ces moments exceptionnels. « To the depths of the ocean where all hopes sank, searching for you » : ce qui signifie : « Dans les profondeurs de l'océan, où tous les espoirs coulent, en te cherchant ». Est-ce de l'espoir ou du désespoir ? Mais on dit que l'espoir fait vivre, donc, on peut attendre au final toute une vie. Ce n'est pas grave, tant que la musique est là. Tant que l'on peut jouer sur scène. Ecouter la musique et la jouer, comme une thérapie.

 

Ces phrases de « Shadowplay » ont d'ailleurs des allures assez rimbaldiennes, notamment, avec le Bateau Ivre : « Mais vrai, j'ai trop pleuré, les aubes sont navrantes. Toute lune est atroce, et tout soleil amer : l'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. »

 

Et puis, dans « Shadowplay » il y a cette ligne de basse magique et magnifique, celle par qui le morceau commence, comme un bourdonnement, un vrombissement. C'est elle qui guide tout le morceau. A la première note je suis touchée par cette incroyable ligne de basse. Les chansons de Joy Division, en moi, me bouleversent. M'hypnotisent. Et sont addictives. Elles instaurent chez moi une sorte de transe, et me possèdent, surtout lorsque je les vois en live, avec Ian Curtis qui les interprète de façon habitée.

 

Je suis sensible à la mélancolie, à la noirceur des textes, et aussi à la tension, tristesse de certaines chansons. Dans l'extraordinaire « The Sound of Music », en live tiré de Here are the young men, on se sent tout de suite happé par la noirceur de la ligne de basse, puis par le riff incroyablement funky de la guitare. Mais l'atmosphère générale est une noirceur ultra dansante, addictive, qui induit une transe. A noter que dans « The sound of mudic », Hookie passe à la guitare, et Bernard Sumner à la basse ! Et Ian Curtis scande « Higher »... Oui, de la noirceur l'esprit s'élève, happé par cette alchimie musicale...

 

Unknown Pleasures est l'album qui m'a le plus marquée. Tout d'abord car il est celui par lequel j'ai découvert Joy Division grâce à « She's Lost Control ». Ensuite car il contient mon titre préféré de Joy Division dont j'ai parlé plus haut « Shadowplay ». Ensuite car il contient un de mes autres titres préférés de Joy Divsion, « New Dawn Fades ».

 

Mais justement, ce titre est incroyable en live dans l'album Les Bains-Douches 18 december 1979. Donc cet album est aussi un de mes préférés. Pour en revenir encore à l'album Unknown Pleasures, l'esthétique du graphiste Peter Saville pour la pochette de l'album m'a aussi vraiment marquée. En cherchant ce que représentent ces courbes, j'ai vu qu'il s'agit d'une illustration de courbes de pulsars d'une encyclopédie de Zurich, que Peter Saville a utilisée pour en faire la pochette. Le titre exact de la thèse dont est issue dette image copiée par Peter Saville est « Radio Observations of the Pulse Profiles and Dispersion Measures of Twelve Pulsars », de Harold D. Craft Jr (septembre 1970). En tant qu'artiste plasticienne, j'ai bien sûr cherché à savoir s'il est possible de se procurer cette encyclopédie riche en diagrammes divers de pulsars, et pour l'instant ma quête est sans succès. La revue Scientific American consacre un article à cette pochette. Il s'agit des 80 périodes successives des premiers pulsars observés, CP 1919 (pulsars de Cambridge à 19 heures 19 minutes). L'observation a été faite à la radio Arecibo de l'Observatoire de Puerto Rico. Tout ceci est très bien expliqué dans l'article internet du 18 février 2015 par Jen Christiansen qui s'appelle « Pop Culture Pulsar : Origin Story of Joy Division's Unknown Pleasures Album Cover ».

 

Ina Curtis est un poète. Ses textes sont de la pure poésie. Pour Patti Smith, Rimbaud est « punk ». Je pense que Ian Curtis, s'il avait vécu au XIXe siècle, aurait été un autre poète « maudit », comme le furent Rimbaud, Verlaine, Mallarmé. Le tableau de Henri Fantin-Latour, « A table », que l'on peut voir au Musée d'Orsay, montrant Verlaine, Rimbaud, Valade, Ernest d'Hervilly et Camille Pelletan, Pierre Elzéar, Emile Blémont et Jean Aicard, aurait très bien pu contenir le poète Ian Curtis.

 

« Shadowplay » restera pour moi la chanson qui me marque le plus. La quête de l'amour, l'attente de chercher, et de retrouver la personne avec qui on a vécu une histoire incroyable même si les espoirs « sombrent ». « Au centre de la ville, la nuit, en t'attendant » : l'espoir fait vivre. Joy Division et sa musique aussi font battre le cœur de la cité nocturne....

Ma cité... Mon refuge.

 

La voix de Ian Curtis m'habite, me pénètre au plus profond de mon âme. Lorsque sa voix grave tremble, gronde, elle m'envahit jusqu'au plus profond de mes sens. Elle me transporte ailleurs. Vers des plaisirs inconnus. C'est en regardant les vidéos live de Joy Division que toute la dramaturgie de Ian Curtis prend sa vraie dimension. Et en particulier les live filmés en Super 8, avec un mauvais éclairage et un mauvais son. Les ombres sur le visage de Ian Curtis ajoutent au côté théâtral du chanteur. Particulièrement la performance live de « Dead Souls » reflète toute la dramaturgie et la mélancolie de Ian Curtis : Ian ne chante qu'à partir de trois minutes vingt. Avant, tout est noir et sombre, sauf quelques éclairages qui montrent le pantalon de tel ou tel musicien. L'atmosphère sombre est ainsi posée. Puis, Ian Curtis chante : du noir se dégage le visage tendu, et les mains qui s'agitent selon sa danse si particulière. Un théâtre, des ombres, une tragédie mancunienne.

 

Je définis l'univers de Joy Division comme « romantique ». Selon la définition de romantique comme « ce qui produit une impression vive sur la sensibilité, ce qui éveille l'imagination, le rêve ». Mais il peut y avoir de l'art, du drame, de la tragédie romantique. L'univers de Joy Division serait alors celui d'une tragédie romantique : il bouleverse ma sensibilité, il m'invite au voyage, et à la rêverie. Mais un voyage en noir et blanc, où les héros sont tragiques. Mais troublants. Où les paysages sont froids, où la neige tombe. Où les arbres demeurent tortueux, avec des destins torturés.

 

« I was moving through the silence without motion, waiting for you. In a room with a window in the corner i found truth... » : la vérité après cette rupture, et encore aujourd'hui, c'est que j'attends encore de pouvoir revivre cette histoire achevée il y a plus d'un an. (« Shadowplay »). « I did everything, everything i wanted to... » : il y a des moments où le rêve devient réalité. En effet, j'ai tout fait, fait tout ce que je voulais. Vivre ce rêve est devenu une réalité. Mais tellement trop courte.

 

« To the centre of the city in the night, waiting for you » : au centre de la ville, dans la nuit en t'attendant : repenser à cette ville, y aller seule de nuit, et repenser à ces instants. Attendre. Rêver. T'attendre... Et réécouter « Shadowplay ». Et t'attendre encore, happée par la ligne de basse. D'ailleurs, j'ai joué à la basse et chanté ce morceau le 8 avril 2016, avec mon ancien duo Cold/Post-Punk Rive Droite Rive Gauche. L'histoire venait juste de se passer. Forcément, sur scène j'ai vécu le morceau de manière encore plus intense. D'autant que j'étais sous codéine suite à une opération. Sentiments accélérés et amplifiés. Jouer ce morceau sur scène fut comme un exutoire. Accéléré et amplifié par la codéine.

 

Je parlerais, à part « Shadowplay », de « Love will tear us appart » : « And were changing our ways, taking different roads, then love, love will tear us appart again... ». Lors d'une précédente rupture amoureuse, ma compagne de l'époque m'a envoyé ce titre de Joy Division. La phrase ci-dessus est tellement réelle par rapport à notre histoire : nous avons pris des routes différentes, car nous étions bien trop différentes. Malgré l'amour, cet amour là nous a séparées. Je parlerais aussi de « Candidate », issu d'Unknown Pleasures : « Please keep your distance, The trail leads to here, There's blood on your fingers, brought on by fear... » : « S'il te plaît, garde ta distance, Le chemin s'arrête ici, Il y a du sang sur tes doigts. « Apporté par peur » : la peur engendre un mécanisme de protection. Lorsqu'une personne malsaine apparaît sous son vrai visage, alors le masque tombe et son beau visage peut révéler au contraire une personne manipulatrice, perverse narcissique. Et du sang peut apparaître sur ses jolis doigts.

 

Je suis ouverte à beaucoup de styles musicaux. Mais la poésie, l'atmosphère unique de Joy Division est celle qui est « ma » phase. J'aime le côté dansant de New Order mais je n'apprécie pas qu'ils reprennent du Joy Divsion.

 

Etant architecte et inscrite à la Maison des Artistes, j'ai décidé de modéliser en 3D les six premières courbes constituant les pulsars utilisés par Peter Saville pour la pochette de Unknown Pleasures. J'en ai alors réalisé de micro sculptures/micro architectures en impression 3D métal et résine. Ceci a constitué ma base pour designer un violon acoustique tout en impression 3D, inspiré de ces formes de pulsars (j'ai pratiqué le violon en conservatoire de dix à quatorze ans et je l'utilise pour des compositions). Comme un projet d'architecture, j'ai redessiné le plan de ce violon, qui est un peu plus fin qu'un Stradivarius par exemple. Le chevalet du violon, « Transmission », est en forme de pulsars. Fidèle à l'univers graphique de Peter Saville, maintenant je modélise en 2D et sous forme de dessins noirs et blancs et sous divers supports les plans, coupes du violon. Je souhaite mêler mon univers à celui de Joy Division et de Peter Saville. Je suis habitée par Joy Division. »

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