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TWICE MAGAZINE n°84

Je remercie infiniment le magazine papier Twice, d'avoir accepté le lancement de La Chronique Dystopique. Pour cette cinquième "Chronique Dystopique", parue dans le numéro 84 de Twice, et intitulée  Visions, je pose mon dévolu sur Les Tout Puissants de l'écrivain Mirwais Ahmadzaï, qui est aussi un musicien émérite et talentueux, s'étant entre autres illustré au sein de Taxi Girl avec le "tube" "Chercher le Garçon", et en tant que producteur de quelques uns des albums de Madonna, en particulier son album "Confessions On A Dancefloor", sorti en 2005, et son génial titre "Future Lovers".

Les Tout Puissants a été publié en 2022, par les éditions parisiennes Séguier.

Pour illustrer cette chronique, je propose de découvrir des visuels de l'artiste Mantaszhan, que l'on peut retrouver sur son beau site internet :

https://mantaszhan.artstation.com/projects/WKGK8Q

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"LA CHRONIQUE DYSTOPIQUE

 

V. VISIONS

 

 

Très chers lecteurs de Twice, pour cette cinquième Chronique Dystopique, je vous propose de découvrir « Les Tout Puissants », écrit par Mirwais Ahmadzai, et publié en 2022 par les éditions parisiennes Séguier.

 

J'ai été enthousiaste, lors de recherches effectuées sur la thématique de la littérature dystopique, de trouver ce livre, écrit par un des membres fondateurs de feu notre cher groupe français new-wave/synth-pop, Taxi Girl. Happée par l'intrigue j'ai été, et je me réjouis de vous le chroniquer dans votre cher fanzine papier français de culture underground préféré, Twice.

 

J'ai choisi de donner comme titre « Visions » à cette cinquième chronique, car, en premier lieu, l'intrigue se divise en divers chapitres, entrecoupés de six « CHANTS », ou « visions ». La typographie en italique utilisée pour ceux-ci diffère de celle concernant les sections « réelles », amenant à imaginer que l'action alterne entre faits vécus et rêvés. De plus, Mirwais dénote vraiment d'un esprit devin en tant qu'écrivain : il démontre l'art de nous projeter en « 20XX », comme il l'écrit, et le rôle joué par les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, entrave à la liberté individuelle, qui s'avère désespérément d'actualité.

Dans la « Chronique Dystopique N°04 », nous avons abordé une uchronie, faits historiques détournés, basés sur l'Histoire réelle ; ici, nous pourrions encore l'évoquer, car on se projette dans un futur post-covidien, réutilisant le « Symbole » de la Swastika pour le décliner en graphique de consommation «global », « une sorte de camp de consommation dirigée», amenant « un calme et une paix que l'humanité n'avait jamais connus auparavant ».

 

 

De l'importance de la Swastika comme élément de propagande massif

Au cours des premiers chapitres, Mirwais nous introduit dans son monde, en présentant l'usage universel du Symbole, afin de lui faire jouer le rôle principal de manipulateur mental de nations, asservies au pouvoir économique exercé par la fascination pour le luxe : habits chers et bons marchés portent notamment le sigle brodé ou marqué de la précieuse insigne : « C'était une idée nouvelle. Les pauvres, on le savait depuis toujours, enviaient les riches par mimétisme social et tendaient à s'habiller comme eux. Aujourd'hui, la tendance s'était inversée : les riches se révélaient obsédés par l'apparence et l'attitude des pauvres. Ainsi vêtus, les gens connaissaient une certaine satisfaction. Il n'en aurait pas fallu beaucoup pour qu'ils la désignent par le mot bonheur... ». Nous apprenons alors, quelques chapitres suivants, que le Symbole emprunte la forme de la Swastika, et ses couleurs, le rouge et le noir. Peu de nations s'y opposent, et nous découvrons ainsi, non pas une police hyper puissante, mais un logo, aux consonances fascistes, remis au goût du jour par la rédactrice d'une revue de mode anglaise, qui sera contrainte de démissionner : « Une simple rédactrice, d'un magazine féminin anglais de « nouvelle tendance », comme on disait, organisa, en Inde, une série de photos de mode. Pendant vingt pages luxueuses, on voyait de jeunes mannequins blonds arborer le Symbole sur de somptueux vêtements. Le scandale fut immédiat, la rédactrice, contrainte de démissionner... . ». Son apposition se fait sur chaque objet, tels que les smartphones, les vêtements, les enseignes de magasins, les nombreuses bannières publicitaires, y compris celles émanant des capots des voitures, et sur tous les bâtiments, exceptés les lieux de culte.

 

 

Lazare2325

Le personnage principal de l'intrigue entre en scène à la page 28 de notre récit, sous le nom de « Lazare », avec un numéro de matricule, car « c'était plus facile qu'un nom complet». On y constate qu'il a successivement travaillé pour la marque de vêtements « SWKO Inc. » et qu'il en a démissionné au moment où la société devient un des leaders mondiaux, puis, chez « RHSO » en tant qu'informaticien, où, vraisemblablement, il travaille encore, au moment où Mirwais nous embarque dans son sillon. Nous pouvons, dès ce moment là, considérer que nous allons être happés dans un road-movie dystopique fascinant, guidés par son « anti-héros », le matricule « Lazare2325 », sujet à de multiples illusions, dépeintes en italique, lui-même souffrant de « double vision » ophtalmique.

Au fur et à mesure de notre lecture, son origine nous sera enseignée ; sa mère « … avait été une belle femme brune aux traits bien dessinés », avec des « yeux bleu-gris d'une intensité peu commune » qui « révélaient une folie dominatrice... ». Son père, musulman, aux yeux larmoyants, s'était avéré peu tactile, et Lazare ne l'approchera réellement que lors du face à face ultime avec le corps défunt, soumis aux rites funéraires imposés par ses origines : « Lazare éprouvait une curieuse tendresse à prendre dans ses bras la dépouille de son géniteur qui ne l'avait jamais laissé s'approcher d'aussi près. ».

 

 

FnacO et message codé

Alors que nous suivons, pas à pas, les pérégrinations de « Lazare2325 », dans Paris, ville où il vit, nous relevons que les noms des grands groupes actuels, tels que la FNAC, Google, Mac...., sont affublés, désormais, de l'additif de la lettre « O », qui permet de contenir le précieux Symbole universel. Se dirigeant dans le département informatique de la FnacO après s'est posé la question de l'achat ou non d'un nouveau livre des éditions de la Pléiade, l'anti-héros remarque un dysfonctionnement d'un des « MacBOOk » de l'enseigne ; l'écran s'allume, puis s'éteint en affichant une surface blanche périodiquement : « L'écran s'éteignait pendant une seconde ou deux, puis se rallumait en affichant un écran blanc, sans régularité ni logique...La séquence était bien là, enregistrée sur son portable. Il tenta de comprendre les signaux lumineux. Pendant quelques minutes, il chercha sur internet une information susceptible de l'aider à traduire le message, puis il renonça. ».

 

 

Les Camions noirs

Du début à la fin de ce road-movie post-covidien, le contrôle exercé par l'Etat et ses médias se matérialise par ses mystérieux et inquiétants Camions noirs : aucune description des visages de leurs conducteurs n'est entreprise, ajoutant au côté glacial de leurs déshumanisations ; peut-être même que ces machines s'autogèrent elles-mêmes, décidant du sort de leur contenant , amenant une relation non plus « de sujet à objet », mais, désormais, « d'objet à objet » : « Quelques « Camions noirs » (on les nommait ainsi) allaient et venaient dans la grande artère commerçante du 6e arrondissement. Présents depuis quelques années dans les rues de Paris, ils restaient un mystère. Comme ils appartenaient à l'Etat, leur carrosserie était vierge d'écran publicitaire. Les parois de métal couvertes d'une peinture noir mat absorbaient les reflets du jour. Une sensation d'inquiétude émanait de ces engins entièrement électriques ; mais au fil du temps les Parisiens s'y étaient habitués... ».

 

 

Chants

Afin de différencier les événements vécus par Lazare, et ceux qui pourraient relever de son imagination, l'écrivain nomme les chapitres contenant ces derniers, « Chants ». La source provient souvent d'une lumière étrange perçue par le matricule 2325, et elle se matérialise sur divers supports ; il semble que les actions prenant forme en leur sein puissent provenir de son subconscient, et Mirwais réussit ainsi à merveille à jouer avec le lecteur, en le faisant s'interroger sur la part de réel et d'irréel de son œuvre, jusqu'à la fin de son intrigue.

 

 

Osmose

Si d'histoire d'amour il ne peut être question dans ce roman, la rencontre entre Lazare et une jeune femme nommée Eurydice laisse entrevoir une connexion d'âmes sœurs : le « binôme » se croise lors d'une manifestation à laquelle chacun prend part contre sa volonté, et expérimentera les mêmes hallucinations troublantes, notamment celles mettant en scène le MacBOOk à la FnacO, livrant des inscriptions en code Morse alternant avec des surfaces blanches sur son écran; et, lors de la visite d'une église parisienne : « Des dizaines de logos de marques célèbres flanqués du Symbole convergeaient vers le plafond de l'église et flottaient gracieusement dans l'air... le mélange final était spectaculaire. Le plafond recouvert d'images fixes ou animées ressemblait à ce que l'on appelle une « apothéose » dans l'histoire de l'art... ».

Un baiser timide offrira au lecteur l'illusion d'une romance possible : « Il prit Eurydice dans ses bras et attira son visage contre le sien pour y déposer un baiser. Elle se laissait faire avec un sourire amusé. Lazare n'eut pas le cran de l'embrasser franchement. Il l'embrassa sur la moitié des lèvres. », mais le rendez-vous donné par Lazare, à son domicile, à la belle, suite à leur rencontre, n'aura pas lieu physiquement, celle-ci demeurant alors introuvable. Cependant, plus qu'un amour physique et charnel, la résonance des deux âmes s'exerce inexorablement, puisque la fin de l'ouvrage nous rapporte que la dulcinée parvient, à priori, in extremis, et avant le couvre-feu décrété par l'Etat, à embarquer dans l'avion la menant du côté du sud de l'Espagne en Andalousie, afin de rejoindre le lieu révélé par la traduction du code écrit en morse sur l'écran dysfonctionnant du MacBOOk de la FnacO, indiquant la même destination décodée par Lazare, dans une de ses visions, où il y aperçoit Eurydice, enceinte de lui, aidé de son casque de réalité virtuelle : « Il se retourna une seconde fois. Eurydice était sur la route derrière lui. Elle lui souriait et son ventre était plein. Il arracha son casque et stoppa le visionnage du film. Dans son appartement désert on n'entendait que la rumeur de la ville. Il se souvint du code en morse de la FnacO. Quelques minutes suffirent à le traduire sur un site web de décryptage. Le résultat indiquait une position géographique. Longitude et latitude. Lazare chercha l'endroit exact. Les coordonnées renvoyaient à un point au sud-ouest de l'Espagne, aux environs de la ville d'Amarilla, en Andalousie. Près d'un antique pont de pierre abandonné. La route sur laquelle Eurydice se trouvait dans le film ressemblait d'une manière précise à celle affichée sur GOOgle Map.

Il commanda un taxi pour se rendre chez la jeune femme. Elle ne répondit à aucun de ses appels pendant le trajet... ».

 

De nouveau, se pose alors la question de la part de réalité ou d'utopie de cette rencontre entre ces deux êtres.

 

Au-delà de la destruction- Extraits du journal de L*, juin 20XX

« Les Tout Puissants » utilise pour ses trois derniers chapitres la narration personnelle. Ils semblent, chacun, être rédigés par un narrateur, ou une narratrice différente. Le troisième avant la fin, décrit une mission militaire, où le « je » décrit une erreur de cible -des civils ayant été bombardés sans raison-, en s'absolvant de tous regrets : « Je ne fus pas affecté par ce que je lisais : je ne me sentais pas concerné. »

L'avant-dernier, intitulé « Descente », décrit un vol d'avion subissant une tempête, où le « nous » est employé, et où l'échec et la mort paraissent la seule issue : « le sifflement de l'air sur nos oreilles nous indiquait que nous étions encore en vie. Pour un très court instant sans doute... », puis, en ultime palabre, « Nous pouvions y lire cette phrase : « Vous avez échoué car vous n'avez pas commencé par le rêve ».

Enfin, le dernier chapitre, « Inter Divos Relatus Est », utilise la première personne, il est question d'un protagoniste occupant le spa d'un hôtel du sud de la Sardaigne, et les deux ultimes phrases énoncent : «A la faveur de cette vision directe, nous autres imbéciles sècherons nous aussi nos larmes. Nous retrouverons notre confiance et nous les combattrons. ».

 

Quelle est alors la part de vision et de rêve dans l'uchronie de Mirwais ? La réalité virtuelle pourrait-elle englober toute son histoire ? La rencontre entre Eurydice et Lazare 2325 a-t-elle pu exister, ou seules les images générées par une quelconque intelligence artificielle remplacent ainsi toute humanité ?

 

 

En effet, « L'image s'était imposée comme l'élément central des émotions, le pixel avait gagné la guerre contre l'atome. Les injections quotidiennes de pixels se mélangeaient à l'adrénaline... ».

 

Mais, « Dans un rêve tout est possible ! » pensa Lazare. ».

 

 

Très chers lecteurs de Twice, je vous laisse cogiter sur la part de fiction générée par les images auxquelles nous demeurons quotidiennement soumis, en attendant notre prochaine rencontre dystopique,

 

Sandrine Deville"

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